Ailean Archibald Calum Kennedy ~ « Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n’en ont lu qu’une page »

Se présenter au monde

La Naissance d'un héritier compte double ~ 1801 :

Toute vie commence par une naissance et la mienne n'y fait pas exception. J'ai vu le jour au début d'un siècle, l'année même où le Royaume d'Irlande s'unit à la Grande Bretagne pour former le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Un bon présage pour certains mais sans doute pas pour tout le monde. Pour ma mère en tout cas, notre naissance l'était sans aucun doute car nous sommes nés un 12 septembre, le même jour où naquit un certain François Ier, illustre roi de sa patrie d'origine : la France.

Nous ? Et bien oui car je ne fus pas le seul à ouvrir pour la première fois mes yeux sur le monde au sein de cette famille. Si je fus le premier né, ce ne fut que de quelques heures, deux pour être plus précis, deux heures seulement avant que ma sœur jumelle Ashlyn ne me rejoigne à l'air libre pour le meilleur et pour le pire.



Les premiers pas de jeunes poussins :

Le pire ? C’est sans doute ce qu’on put penser nos gouvernantes et notre préceptrice. Car si un enfant peut ne pas être un ange, lorsqu’ils sont deux, il est bien plus difficile de les canaliser, qui plus est si ce sont des jumeaux. Le monde peut alors s’arrêter de tourner.
Pourtant bien loin d’un manque d’intelligence, ce qui semblait nous habiter était la malice. Deux esprits vifs et bien éveillés ne pouvaient se contenter de ce peu qu’ils apprenaient et avaient besoin de défis, de rire, et d’occupations.

Quatre ans plus tard, lorsqu’une nouvelle vie fut annoncée, notre maison trembla jusque dans ses fondations, mais celle qui vit le jour allait faire l’unanimité de toute une maisonnée, celle pour qui les mots calme et stabilité auraient pu être inventés, notre petite sœur : Moïra. L’enfant parfaite par excellence.

Dire que je ne fus pas heureux de son arrivée serait un doux euphémisme. Malgré toute l’intelligence dont je pouvais faire preuve dans d’autres domaines, celui-là dans mon esprit enfantin semblait hors de ma portée. Soudainement l’attention de mes parents n’était plus tournée vers moi mais vers cette petite chose braillante, bruyante et insignifiante… du moins à mes yeux car pour tous il semblait qu’elle était juste purement et honteusement adorable.

Mais les récriminations enfantines ne résistent pas au poids des ans et de la famille et bien vite cette progéniture de mes parents tant détestée, devint, elle aussi, un des êtres que je voulais protéger le plus au monde.


Les illusions de mon âme habilleront tes mots :

Lorsqu’on est pauvre, l’imagination fait bien vite place à la dure réalité de la vie et les artistes ne sont guère encouragés face au travail manuel et à ce que l’on peut qualifier d’une vie de bonne famille. J’ai quant à moi eu la chance d’être bien né, et de ce fait de ne pas être bridé. Est-il dangereux de laisser libre la tête d’un rêveur et de jamais ne la brider ? Cela c’est sans doute à vous d’en juger mais j’ai eu de la chance d’avoir une famille comme la mienne.

Enfant la portée de mes actes se limitait à notre sphère privée. Ma sœur avait des histoires plein la tête et je faisais de mon mieux pour leur donner vie sur le papier avec des dessins, des esquisses ou des peintures. Mais cette part de moi était cachée… et dévoilée seulement à mes sœurs bien que je fusse certain que mes parents ne furent pas dupes car après tout enfant il me fallait leur quémander du matériel. Bien plus à ma mère, bien sûr, qu’à mon père, pour qui faire de son fils un artiste n’était pas dans ses mœurs.


Une épée pour les dominer tous :

Il m’encouragea cependant vivement dans la pratique de l’escrime, sport que la noblesse a toujours affectionné particulièrement. Un noble se doit de manier une lame comme le prolongement de son corps et d’écrire de sa pointe les désirs de son âme. Ce n’est pas le cas des dames de la noblesse de qui on prône la douceur et l’effacement d’elle-même au profit des hommes. Mais ma sœur d’âme n’était pas de celles qui se laissent compter et fort de nos secrets et de mon aisance pour le maniement de la lame blanche, je lui apprenais à ne jamais être aussi démunie que tant l’était. Jamais de mémoire d’homme bien né on avait vu une femme manier l’épée… Personnellement je n’avais pas ce genre de préjugé, encore moins envers mon double, mon âme damnée si on peut dire.

Ce n’était pas armée d’un éventail qu’elle ferait son entrée dans le monde, pour moi, ma sœur était aussi forte que moi… Nous étions pareils… ou presque. La flamme en tout cas nous habitaient tous deux et ce fut moi qui lui offris, avant ses premiers pas en tant que débutante, une lame d’exception que j’espérais aussi acérée que sa langue. Un bien beau cadeau d’anniversaire selon moi.


L'amitié est la similitude des âmes :

Je fus envoyé à l’âge de douze ans en France afin que mon esprit soit éduqué, façonné… qu’il s’ouvre sur le monde et peut-être aussi qu’il rentre dans les rangs. La séparation avec mes sœurs fut rude, surtout au début et principalement avec Ashlyn avec qui j’échangeais de longues lettres.

Les vacances furent pour moi un précieux cadeau, une chose sacrée. Cela signifiait revoir ma famille entière, ma famille unie, en un mot : des retrouvailles. Car si devant la scène de la société, chacun tenait son rang avec brio et presque prestige, du moins principalement pour nos parents qui avaient leur entrée sur le monde, affichant visage de marbre et bonne tenue, ce n’était pas en permanence ainsi au sein de notre foyer. Nous pouvions même rire entre nous… et parfois ne pas avoir ce maintien parfait permanent, c’était juste… rafraichissant. Famille n’a jamais été un vain mot pour nous et ce, peu importe la distance et le temps.
Toutefois être réellement moi-même, je pense ne l’avoir jamais été qu’avec la double de mon âme.

C’est d’ailleurs durant ces moments fugaces que je poursuivais l’apprentissage de ma sœur pour sa passion dévorante de l’épée.

C'était aussi pour moi l'occasion de revoir notre ami d'enfance commun, celui que je pourrai sans détour appeler mon meilleur ami de l'époque, Ezekiel Fraser. Je ne saurai nommer à ce jour toutes les bêtises que nous avons pu faire ensemble.
En grandissant, les bêtises elle aussi devinrent plus grandes, d'enfants nous avons embrassé notre adolescence avec ses découvertes, ses essais et ses erreurs. Je dois avouer qu'à cette époque, je donnais le change, flirtant, m'offrant parfois sans aller jusqu'à terme avec une dame de moindre naissance... Je me posais déjà bien des questions mais je n'avais pas encore le courage de concrétiser mes envies d'alors.

Les sentiments d’un été :

Il y a près de cinq années, quelque chose a changé dans le regard de mon ami Ezekiel lorsqu'il le posait sur ma sœur, il  y avait quelque chose de plus, quelque chose de plus chaleureux, quelque chose qui ne me plaisait guère.

Ezekiel, c'était mon compagnon de folies, l'homme avec qui j'avais fait les quatre cent coups, l'homme que j'avais ramené quelques fois à son domaine dans un bien triste état... Combien de fois n'est-il même pas rentré avec moi, préférant partir avec une femme de vertu discutable ? Je ne saurai le compter. C'est sans doute pour cela que lorsque j'ai appris qu'il souhaitait prendre la main de ma sœur, du double de mon âme, je ne l'ai que moyennement accepté et apprécié malgré toute mon affection pour lui. Il est pour moi bien trop friand des femmes que pour la rendre heureuse et pas assez droit pour cela... Mon ami si volage avec ma sœur tant aimée ? Je ne pouvais décemment l’accepter et c’est sans doute pour cela que je me mis entre eux. Les lettres disparurent et je m’établis en protecteur à tort ou à raison. J’ai peur qu’un jour ils découvrent ma forfaiture et que je perde l’un et l’autre. Ai-je agi à tort ou à raison ? Toujours est-il que jamais Ezekiel n'a reçu la réponse de ma sœur à sa demande en mariage.

Comprendront-ils un jour mon geste ? J’ose l’espérer, car j'ai pour tous deux énormément d'affection. Je n'ose imaginer ma vie sans ma sœur, je ne pourrai sans doute jamais supporter de la perdre. Quant à Eze ? La nostalgie de notre enfance ne pourra jamais me quitter et j'aimerai tant que lui aussi reste à mes côtés.


Premiers pas à la Cour des Rois :

16 ans. L’âge de raison et des premiers pas des filles dans le monde. Ma sœur n’y fit pas exception… moi j’évitais l’exploit en restant en France. Cela ne veut pas dire que je restais dans mon coin mais c’est par le bal militaire que je fis mon entrée non pas à Londres comme Ashlyn mais à la Cour de France. Les ronds de jambes ne me furent dès lors pas inconnus mais j’aimais aussi me faire passer pour un simple serviteur et me perdre dans les rues de France. Combien de fois n’ai-je pas paru aux yeux des gens comme faisant parti d’un monde qui n’était pas le mien ? Les amitiés vraies ne sont-elles pas dépourvues de faux-semblants ? Seulement il fallait bien que je me résigne à mentir encore et toujours. Il n’est pas aisé en ce monde d’être tout simplement soi quand on porte malgré soi le poids de sa famille.

16 ans, c'est aussi l'âge de mes premiers véritables émois... mais ce ne fut pas à la Cour que je m'abandonnais, ou du moins pas sous les lumières de la scène des courtisans. C'est dans la paille que je vis pour la première fois le loup avec un jeune palefrenier. Combien de fois l'ai-je connu au sens biblique du terme ? Je ne saurai les compter. Il ne fut pas le seul, mais jamais nul noble ne le su.


Autant en emporte la Famille :

L’année suivante ma famille quitta Londres dans la précipitation pour me rejoindre sur les terres de nos ancêtres maternelles. Ma grand-mère tombée malade avait besoin du soutien de notre clan. Ma mère et mes sœurs restèrent à ses côtés au sein de son hôtel particulier situé Rue Neuve-Saint-Augustin dans le second arrondissement de Paris, tandis que mon père gérait ses affaires à Londres et que moi je poursuivais mon apprentissage à la Sorbonne.

Notre grand-mère succomba au bout de deux années sans qu’aucun de nous ne put rien y faire. Ma famille préféra rester en France, quant à moi, j’allais de temps en temps faire des incursions à Londres voir mon père tout en profitant d’une vie relativement libre, évitant avec brio les premières propositions de mère concernant de possibles épousailles. Je n’avais nulle envie de déjà m’unir et encore moins de porter des chaines.


La liberté vaut bien plus qu’un seul mot :

La liberté, une notion bien curieuse pour qui arbore un certain statut dans notre société mais je crois qu’on peut dire que même les gens de petite vie n’ont pas une vraie liberté puisqu’ils doivent suivre les règles de leur propre nature. Je me demande qui, en ce monde, peut se targuer d’être vraiment libre de toute contrainte.

Combien de fois ma mère n’a-t-elle pas voulu que je me case au bras d’un bon parti ? Si seulement elle savait que toutes ces mondanités avaient le don de me fatiguer… Heureusement en tant qu’homme, le tic tac de la vie me donne bien moins de pression que pour une femme et pour un temps je pus avec brio éviter toute tentative de m’unir à une dame dont je ne voulais aucunement les faveurs au contraire de celles des hommes. Chose bien entendu que je n'ébruitais pas.

Je sais que mes parents ont hâte que je produise un héritier, que je donne une descendance mâle à notre famille mais pour l'heure je tiens bon. Je ne sais combien de temps je le pourrai néanmoins. J'avoue que j'aimerai trouver une dame qui comprendrait que j'aie d'autres penchants, une dame avec qui je pourrai trouver un arrangement. Pour l'heure de toute manière je n'ai nulle relation à protéger...

Longtemps après la fin de mes études, je ne fis que voyager de part le monde, presque jamais sous ma véritable identité, tantôt homme simple, tantôt homme noble, tantôt simple voyageur, presque chercheur. Ce fut ainsi que je fis la connaissance d’un homme qui m’introduisit à mes dix-huit ans comme apprenti au sein de la société pas vraiment sécrètes des Francs-Maçons. En son sein je progressais devenant tour à tour compagnon puis Maître.


Bienvenue à Londres :

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