First time I saw you... Ft. Jacob Astley - FLASHBACK

Londres. Cette ville n’avait jamais rien eu pour plaire à Arthur, loin de là même. Tout était toujours si guindé, si morne, tellement gris et extrêmement froid. Lui qui avait connu la chaleur affolante des indes, goûtés aux épices de l’Amérique du Sud et les chatoyantes couleurs de la Chine, tout cela était d’un fade consommé et affligeant. Le fils du Duc de Wellington voulait vivre dans la couleur, là où sa famille ne souhaitait que la grisaille amère et lassante. Certes, il pouvait aller et venir, vagabondé de ci, de là, mais il le savait, tout ceci avait un prix. Un prix qu’il n’était pas encore prêt à payer.

Le sujet fâcheux avait été abordé au déjeuner, par sa mère la voix trainante et hésitante, cherchant à le faire culpabiliser de son inaction. Ah, mère… Comme expliquer à cette femme, douce et charmante, que son cœur n’avait de battements frénétiques qu’à la pensée magique d’un futur voyage ; d’une future découverte ? Comment parler de ces moments solitaires où, penché sur une carte, il traçait une route là où il n’y avait encore qu’une vaste forêt ? Comment avouer, qu’il n’y avait nul attrait en son cœur et son âme, pour la chair tendre des femmes et pour le mariage ? Contrefait, sans aucun doute. Et même s’il se savait ainsi, Arthur ne pouvait y trouver ni honte, ni démon. Parce que pieu, il l’était, se confessant régulièrement, assistant à maints sermons et s’agenouillant même sous les tentes des campements, pour abjurer et supplier Dieu de l’aimer et de l’aider. Mais non, il n’avait pas honte, lorsqu’il s’étendait le soir dans les bras d’un autre homme… Car c’était lui tout simplement.

Aussi, pour faire bonne mesure et amande honorable, il avait ce soir accepter de se rendre au bal du Vauxhall avec ses parents. Il essuierait une fois encore, les présentations de toutes ces pauvres fillettes à marier, dont les mères assoiffées d’une bonne situation, vanteraient les mérites et la beauté. Poli, il les saluerait, en ferait danser l’une ou l’autre, sans jamais engagé de promesses. La saison se terminant, il le savait, il reprendrait la mer vers d’autres horizons, tout en fuyant le froid et humide hiver anglais. Les Indes peut-être ou le Japon… il ne s’était pas encore décidé.

Dans le tournoiement des jupons de soie aux diverses couleurs mornes – comparativement à la chaleur des voiles indiens -, Arthur allait et venait, une coupe de champagne parfois à la main, entre deux présentations polies. Avec son tact légendaire, il avait fini par s’éclipser loin de son envahissante matriarche, pour s’échouer lamentablement sur l’un des sièges d’un petit salon rempli de gentlemen. Il en connaissait certains. Hartclay, qui venait souvent au club de la douairière lubrique. Manston, lui, il fréquentait le Traveller’s Club. Ce fût avec ce dernier qu’il se mit à converser de son dernier voyage, un cigare à la main cette fois.

« Hey, Hastings, venez donc nous rejoindre ! » s’écria alors son compagnon de discussion, à l’adresse d’un jeune homme. « Wellesley, voici quelqu’un qu’il te faut connaître. Le nouveau baron de Hastings. Une bien intéressante histoire, comme tu les aimes. »

Arthur esquissa un sourire avant de tendre une main amicale et sympathique, soutenue par son sourire aimable habituel au nouveau venu.
« Arthur Wellesley, Marquis de Wellington et Douro, pour vous servir, Lord Hastings. »

« Manston a toujours eu l’art d’exagérer, mais c’est un défaut qu’on lui pardonne bien volontiers, car cela égaye d’autant plus ses ouvrages. » Ironisa le fils de Wellington, en jetant un regard espiègle à son camarade du Traveller’s Club qui, se rembrunit quelque peu, faisant rire avec élégance Wellesley. « Ne le prenez pas ainsi, Manston, vous savez tout l’estime que j’ai pour vous et votre art. » Oh oui, il aimait beaucoup les romans de Manston, bien que ce dernier soit pour l’instant victime de la page blanche, cela lui passerait sans doute. Reposant son attention sur le nouvel arrivé, à l’histoire pas si passionnante apparemment, il l’observa s’installer en leur compagnie.

« J’espère néanmoins, que vous aurez à cœur de me la narrer, Lord Hastings. Londres manque souvent d’histoire intéressante à mes yeux, et Manston a piqué ma curiosité au vif. Une histoire n’a pas à être purement véridique ou incroyable pour me passionné, tant qu’elle est… comment dirais-je… peu commune. » Et pourtant, ceux qui connaissent bien Arthur Wellesley savent à quel point, le jeune Marquis aime les histoires et même les potins à dire vrai. Quelque peu commère sur les bords sans le moindre doute, mais c’est là le moindre de ses défauts. Alors qu’il porte à nouveau son cigare à sa bouche, il ne peut qu’admirer le jeune homme face à lui, qui lui est encore bien inconnu et donc intriguant par la même occasion.

« Ô ciel, non ! » Lança-t-il avant de rire de façon désabusée à la question d’Astley. « Je rêve encore de l’époque où, mon père n’était pas encore Duc. Mais ce serait faire revenir Napoléon.» Manston à côté de lui rit alors à gorge déployé. « Je m’y plie de bien mauvaise grâce, mon cher Baron, mais puisque tel est la coutume de notre froide patrie, je fais ce que je dois. Tout comme vous, visiblement… À ceci près, à en juger par l’anneau à votre doigt, que vous n’aurez pas à subir l’épreuve des mères cette année. » Un profond soupire lui échappa avant qu’il ne conclut. « Vivement que la saison se termine. Plus vite ce sera et plus vite je serais parti. » Un reniflement à ses côtés et Manston répliqua : « Vous avez bien de la chance, Wellesley. » Arthur haussa les épaules. « Je la prend cette chance, voilà tout. Et vous, Baron, c’est également la première fois que je vous croise, c’est fâcheux, car j’adore connaître de nouvelles personnes. »

Arthur en termina avec sa petite addiction, qu’il écrasa dans le plus proche cendrier, avec élégeance cependant, tout en faisant une moue un peu boudeuse. « Croyez-le ou non, vous serez toujours plus distrayant à mes yeux, que tout ce cirque. » Conclu-t-il d’un geste désignant les danseurs et la fête en général. C’est que bien qu’il soit dans un futur , qu’il espérait lointain, le duc de Wellington, il n’aimait rien de plus que la quiétude et l’aventure. Il pourrait effectivement, voir ces soirées comme une jungle remplie de singes fantasques, mais il était trop bien éduquer pour cela. Trop bien éduquer également, pour fuir l’endroit avant que sa mère et son père juge que l’heure du départ était acceptable. Il n’avait donc plus qu’à ronger son frein.

« Manston, vous seriez bien obligé de nous trouver à boire. Je meurs de soif ! » Voyant l’autre homme se lever avec obligeance, il sourit de toutes ses dents. « Que vous êtes d’une amabilité des plus serviables, mon cher. » Wellesley remit un peu d’ordre dans sa tenue et dans ses cheveux qui commençaient à partir en mèches rebelles. Il n’était pas temps qu’en plus de lui souffler dans les oreilles de son manque d’intérêt pour les dames, sa mère le fasse concernant sa tenue. « Il faudra bien un jour que je m’y fasse, mais je vous remercie pour vos encouragements. En même temps, j’ai du mal à m’imaginer mener une jeune fille de dix-huit ans devant l'autel, alors que j'ai passé la trentaine. Cela à quelque chose… je ne sais pas, qui ne sonne pas juste à mes oreilles. » S’il avait grimacé à l’idée, il venait de se remettre à rire. « Mieux vaut en rire qu’en pleurer, vous en conviendrez. »

Londres, plus grande qu’on ne le pense… Oui, voilà bien une perspective intéressante et au demeurant très vraie. Pourtant la noblesse semble être un cercle des plus privés. Heureusement, elle réserve quelques surprises. En ce qui concernait le Marquis de Wellington, c’était d’autant plus vrai, qu’il s’y trouvait rarement après tout. Astley lui plaisait d’autant plus, qu’il semblait de ceux qui n’avait pas l’art d’apprécier les obligations venant avec le titre. Il n’en était donc pas moins intéressé d’apprendre son histoire. « Énormément, oui. Je passe le moins de temps possible à Londres ou même en Angleterre. » Sur ce, Manston revient avec des verres de champagne pour tout le monde et Arthur s’empara du sienne. « Je vous remercie, mon ami. » Goûtant au nectar pétillant, il ajouta ensuite. « J’ai une petite passion pour la cartographie. Si je la trouve très saine, ce n’est pas le cas de mes parents. J’aime passé mon temps sur les routes et dans des bivouacs. »