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L'aube du soir [Wilhelm]

Angélique d'OrléansMembre
Angélique d'Orléans

 
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L'AUBE DU SOIR



Assise face à sa coiffeuse dans une coulée de soie et de mousseline faite de nuancés de roses, Angélique contemplait son reflet dans son miroir sans vraiment le voir. Les mains s'activaient autour d'elle comme lors de chaque évènement, s'assurant qu'elle serait la plus à son avantage possible lorsqu'elle paraîtrait face aux convives. Sa camériste arrangeait les plis de sa robe pendant que la coiffeuse fixait les dernières épingles de diamants dans ses cheveux et que sa femme de chambre achevait d'illuminer son teint d'une flamme de rose sur ses joues.
Elle avait l'impression d'être une de ses poupées avec laquelle elle s'amusait enfant... A la parer, l'arranger et la changer jusqu'à ce que l'image lui plaise. Ou plutôt, soit digne de plaire à son père qui déjà petite, ne lui pardonnait pas la moindre faute de goût. Encore pleine de l'amour inconditionnel de l'enfance, Angélique avait fait de cette pression perpétuelle un jeu avec ses jouets, jusqu'à ce que cet amusement ne finisse par devenir son propre quotidien.
Quelle ironie...

Ce soir, le Duc d'Orléans, son père, recevait en sa demeure le haut du panier de la Cour à l'occasion d'un dîner très mondain. Il prétextait vouloir ainsi faire pardonner leur arrivée tardive à cette Saison, mais sa fille le soupçonnait d'au contraire vouloir faire savoir à tout le monde qu'ils étaient bel et bien à Londres ! Antoine d'Orléans n'était pas homme à aimer passer inaperçu et avait l'art et la manière de faire parler de lui sans trop en faire. Le dîner de ce soir serait aussi élitiste que très privé, sans être secret. Le ballet des carrosses aux armoiries marquées sur les portières qui défileraient dans le quartier jusqu'au portail de la résidence ferait les choses !
Burlington House était en effervescence depuis tôt ce matin, voyant se presser dans ses couloirs toute la domesticité les bras chargés de fleurs, plumeaux, argenterie, linge de maison et vêtements de Cour fraîchement sortis des males et remontés de la laverie pour l'évènement. Angélique pour une fois, avait choisi sa robe elle-même et était hypnotisée par les reflets or et orangés qui faisaient vibrer le rose du taffetas changeant.
Lorsqu'on la déclara prête, elle passa ses gants puis sa bague de fiançailles à son annulaire, un petit sourire tendre à ses lèvres. Elle n'avait pas encore vu William depuis son arrivée et était impatiente de le retrouver ! Car à n'en pas douter, il serait forcément de la soirée !

- Votre Altesse, entendit-elle ses domestiques prononcer en cœur.

Angélique releva ses grands yeux sublimés d'un peu de khôl afin d'en souligner l'intensité vers son miroir et y reconnut Antoine. Elle se leva à son tour afin de lui faire face. Il portait son uniforme officiel et comme chaque fois qu'elle le voyait ainsi vêtu, la princesse trouva son père très beau et impressionnant. Le Duc avait une prestance et un charisme aussi fous qu'indéniables.
Cela dit, il ne lui échappa pas que lui aussi l'étudia, la passant au crible. Au fond d'elle, elle savait déjà ce qu'il allait dire bien qu'elle avait sincèrement espéré lui plaire ainsi, telle qu'elle s'était voulue ce soir.

- Je pensais que vous auriez mis la or et noire, Angélique.

La princesse accusa la remarque mais ne montra pas sa déception, se contentant de doucement baisser son regard sur ses mains jointes.

- Je n'aime pas vraiment le noir, père...
- J'imagine que cela fera l'affaire. Mais la Prusse aime l'or et le noir !


Oui, eh bien la France, aimait le rose voilà !
Cela bien sur, elle s'abstint de le répondre bien que la répartie lui brûlait les lèvres. On l'avait prévenu que le Roi et le Prince seraient de la partie mais la jeune femme était d'avantage en émoi quant au fait que son frère avait disparu sur leurs terres que par le fait de les rencontrer...
Antoine n'était pas homme à s'épancher, mais il ne pouvait pas être insensible au fait que Alexis les laissait sans nouvelles de lui depuis des mois ! La princesse espérait de tout son être que tout cela était une opportunité saisie en vue de le retrouver.
La France et la Prusse avaient des relations quelques peu tendues depuis des décennies. Sans doute son père manœuvrait-il afin de retrouver son héritier, d'où l'invitation lancée au Roi et son fils. Il voulait probablement ouvrir la discussion ! Elle aiderait de son mieux à cette entente si elle le pouvait. Tout, pour retrouver Alexis.

- Je peux me changer si vous le désirez.
- Ce ne sera pas nécessaire.


Un compliment voilé, mais un compliment tout de même que elle seule savait déchiffrer, ou plutôt prendre où elle le pouvait. Son père ne l'aurait jamais laissé paraître si il avait estimé qu'elle n'était pas à la hauteur de son rang et de ce qu'il attendait d'elle, c'était donc que bien qu'il regrettait la toilette bleue, il approuvait néanmoins celle-ci. Il le lui confirma en lui offrant son bras afin de l'escorter jusqu'au grand hall où ils accueilleraient leurs invités dont les voitures commençaient à se presser.

Angélique salua chaque convive avec la grâce et l'élégance qui la caractérisaient, affichant son sourire de circonstances à tout instant. Elle affirmait sa présence, sans empiéter sur celle de son père tout en guettant cela dit l'arrivée de son fiancé, qui se faisait attendre. Elle savait le nombre de couverts prévus à la table de ce soir et plus les personnalités se suivaient, plus elle commençait à avoir un mauvais pressentiment qui la poussa à se pencher à l'oreille du Prince d'Orléans :

- Père, William n'est...
- Sa Majesté le Roi Friedrich-Wilhelm III de Prusse et Son Altesse Royale le Prince Wilhelm de Prusse,
la coupa le majordome.

Angélique se raidit alors qu'elle regardait son père s'avancer afin d'accueillir les nouveaux et à l'évidence, derniers invités pour la soirée... Elle réprima la boule qui lui noua la gorge et suivit docilement, se réservant.
Comme il la présentait, elle plongea dans une fervente révérence face au duo royal puis se redressa afin de leur offrir un sourire sincère bien que tinté d'une pointe de tristesse impossible à deviner à moins d'aller plonger dans l'infinité de ses yeux noirs pour la déceler.  

- Soyez les bienvenus à Burlington House Vos Majestés.
- Malheureusement, la voisin de table de ma fille n'a pu se joindre à nous ce soir. Lui feriez-vous l'honneur mon cher Prince ?


Angélique tourna vivement son visage vers son père, faisant voleter quelques boucles brunes sur sa nuque. William n'avait pas pu venir ? Elle se demandait bien ce qui le retenait. Dans leur dernier courrier il lui disait pourtant combien il était impatient qu'elle revienne à Londres.
La jeune fille décida néanmoins de laisser ce tracas de côté pour l'heure. Elle devait tenir sa place autant que son rang. Encouragée par la main que son père posa dans son dos, elle s'avança d'un pas vers Wilhelm supposé donc l'escorter à table, avant d'oser enfin le regarder plus franchement.

Son expression la tétanisa tant et si bien qu'elle en demeura soudain figée dans le marbre qui ornait le sol sous ses pieds si richement chaussés...

Wilhelm von HohenzollernAdmin
Wilhelm von Hohenzollern

 
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L'aube du soir
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« Ainsi, vous et la Prusse, me condamnez vous à la nuit éternelle. Fort bien. Si telle est votre volonté et celle de la Prusse, qui suis-je pour vouloir qu’il en soit autrement. » Avait simplement déclarer Wilhelm, alors qu’il avait eu droit à une entrevue particulière avec son père, le roi de Prusse. Ce dernier avait fait le déplacement expressément pour lui apporter cette mauvaise nouvelle, caché sous la demande du père que le second s’occupe du benjamin. Benjamin, qui, ne filait guère droit, certes. Mais il filerait sans doute plus droit désormais, que ce que le second filerait en courbes. D’ordinaire souvent souriant, bien que toujours très droit et fier, Wilhelm avait quitté le bureau de son père le regard vide et le visage défait. Sans un mot, sans un regard pour ceux s’adressant à lui, il était monté dans sa chambre tout en restant digne et ravalant le chagrin incommensurable, qui lui broyait les entrailles et le cœur. Sur le palier, son frère le haranguait, mais il n’eut droit qu’à : « Pas maintenant, je vous prie, Albert ! » Avant qu’il ne disparaisse derrière l’épaisse porte de bois ; barrière protectrice et salvatrice. Les centimètres de l’infernale descente contre celle-ci lui parurent une éternité, alors que dévalait à flot déchainé, les larmes sur ses joues. Pas un mot ; pas un sanglot. Le chagrin était silencieux, noble et fier. Il ne pouvait en être autrement de toute façon. Encore et toujours conserver les apparences, même dans la douleur la plus poignante ; même lorsque l’air sembla lui manquer. Il se fit tant violence pour être silencieux, que le monde autour de lui sembla en faire de même. Il n’entendit pas son frère s’asseoir de l’autre côté de la porte, dans son dos, partageant sa peine en silence. Sachant pertinemment quel ras de marrée s’était abattu sur son aîné. Wilhelm ne s’en rendit compte, que lorsque le bout des doigts de son frère, par-dessous la porte, avaient réussi à frôler sa main tombée au sol ; défaite par le chagrin. Dès lors, le plus âgé en avait-il fait de même et partageait sa peine par-dessous cette gardienne des lieux rigide, avec le benjamin ; leurs doigts côtes à côtes dans le dessous de porte.

Mais si le supplice du puîné avait pu s’en tenir à cela, peut-être que cela lui aurait paru acceptable. Hélas, le roi informa son enfant, qu’ils se devaient tout deux de paraitre le soir même à un dîner des plus mondains, auprès de la famille d’Orléans. Des Français… Mais ce n’était même pas cela qui attaquait le plus l’humeur de Wilhelm, mais bien le fait de devoir être et paraitre, alors que son monde s’effondrait. Certes, il ne s’était guère fait beaucoup d’espoir en quittant la Prusse, quant à son avenir auprès d’Elisa. Suffisamment cela dit, pour qu’en étant réduit à néant, il soit au plus mal. Il aurait pu s’accommoder d’un repas avec sa Majesté le roi Georges IV, mais pas avec des Français. Il n’y a pas plus bavard, plus fanfaron et plus exagérant que des Français. La fête serait somptueuse, il n’en doutait pas, mais ce serait un cauchemar. Il ne voulait pas d’apparat, il voulait la sobriété polie. Une sobriété dans laquelle, on le laisserait en paix et respecterait son silence. Mais pas là-bas. Si bien que ses mots tranchèrent l’air avec un cynisme tout droit sortir du plus profond de son être. « Vous ne m’épargnerez donc rien, Père… Vous ne m’accorderez même pas la paix et la tranquillité d’épancher mon chagrin ? Non, vous allez m’exhiber une fois de plus, comme un animal de foire, en espérant sans doute qu’une de ses jeunes femmes sera assez bien né et assez belle pour me séduire. Qu’une d’entre elle devienne avant la fin de la saison, la nouvelle princesse de Prusse ! Vous n’avez aucune considération pour moi ! Alors, je n’en aurai aucune pour elles… » Et la main royale avait claqué sur la joue princière, comme le tonnerre dans la nuit calme de l’été.  Sa main portée à sa joue, Wilhelm inspira et expira avec force plusieurs fois, en regardant son père de côté. Croisant son regard de braise avec l’acier de ceux du roi, il y lu l’once d’un sentiment de compassion, mais bien vite remplacer par l’autorité royale. « Vous ferez, ce que je vous ordonne, Wilhelm. Votre mère, paix à son âme, n’est plus là pour reprendre pour vous. Maintenant, allez vous préparer et cessez vos jérémiades ! Vous n’êtes plus un enfant, que diable ! » Relevant la tête avec droiture et colère, le fils répondit : « Non. Rien de plus qu’un adulte et un fils blessé, par le manque de considération d’un père que j’admirais et respectais. » S’inclinant devant son royal père, il prit congé. « Votre Majesté. » Appuyant son mépris désormais, pour celui qui n’avait même pas la délicatesse de réellement compatir à son chagrin.

C’est sur ses faits et ce désaccord, que paré de son costume d’état noir et or, que Wilhelm paru en compagnie de son père au dîner mondain du Duc d’Orléans. Froid, fier, hautain et avec autant d’expression qu’une pierre tombale. Rien qui ne ressemble réellement à ce qu’il pouvait être à Londres, lorsque son père n’y était pas. S’il ne montrait aucune émotion, c’était pour mieux dissimulés celles qui continuaient de le bouffer de l’intérieur. Sourire lui aurait été trop douloureux, être affable serait une véritable épreuve. En cela, peut-être le souverain Prussien s’en rendait-il compte, qu’il ne fit aucune remarque à son fils. L’altercation lui avait déjà assez couté ainsi, il ne voulait pas perdre d’avantage son fils deuxième né. Surtout pas, alors que l’aîné se trouvait affligé d’un mal de l’esprit. De cela, il n’avait pas encore soufflé mot à son puîné. Le faste et le luxe de la soirée lui donnait déjà le tournis et lui faisait monter la bile aux lèvres. La sobriété ne se pouvait-elle seulement concevoir de temps à autre ? Ils étaient venus bon dernier, comme se veut respecter leur importance dans se monde, faisant ainsi une entrée remarquée. Chaleureusement accueillit par le Duc et sa fille, Wilhelm se fendit d’une révérence polie et des salutations d’usage. Profondément ennuyé cependant, même s’il n’en démontra rien. En silence, il subit la discussion qui s’en suivit.

Et subir, il continua. Lorsque le Duc expliqua en quelque mot, que le fiancé de la princesse d’Orléans était absent. En temps que membre éminant de la monarchie européenne, Wilhelm connaissait les alliances contractées de ci, de là. S’il s’étonna en lui-même de cette absence, surtout vu le délai des fiançailles écoulées et le mariage proche, il n’en fit ni la remarque, ni étalage. Pas comme la princesse qui, visiblement, détestait l’idée même d’être en sa présence. Peut-être ne faisait-il non plus rien pour lui être visiblement agréable, dardant sur elle ses prunelles de braises, dont le feu éteint était aussi agréable que la cendre d’un feu mort il y a peu. Retenant de justesse une réplique cinglante de : ‘puisqu’il le faut bien’, Wilhelm desserra ses dents pour répondre. « L’honneur sera plutôt mien, je pense. Je suis bien désolé, de ne point être l’homme de votre cœur à votre bras, votre Altesse. Permettez-moi seulement d’en être que le remplaçant. » Tendant à quasi-regret son bras à la jeune femme, il fit semblant de ne pas voir son expression et d’en fait fi. Aussi, mena-t-il la jeune femme à table, en parfait gentlemen, lui tirant sa chaise pour qu’elle puisse s’asseoir, avant de prendre place à ses côtés. Puisque tel est ce qui fût convenu. « Je regrette d’avoir le devoir de vous importuner, votre Altesse. » Dit-il simplement avant de se plonger dans l’analyse du menu.

Italique: Parle Allemand
Gras: Parle Anglais
Italique Bleu: Parle Français

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L'AUBE DU SOIR



Angélique était habituée à rencontrer des têtes couronnées. Très jeune déjà, on lui avait enseigné l'art de recevoir et de présenter. Elle avait vu défiler un nombre invraisemblable de politiciens, d'ambassadeurs, de souverains ou encore de diplomates à la Cour de France et en avait fréquenté tout autant ici, à celle d'Angleterre. Jamais elle ne s'en était trouvée intimidée ou même encore effrayée.
Pourtant lorsqu'elle rencontra le regard du Prince de Prusse, la jeune fille eut la sensation qu'il venait de lui happer son souffle jusqu'à en drainer totalement son corps. Ses lèvres légèrement entrouvertes, elle se retrouva incapable de bouger, luttant presque contre la main de son père qui faisait pression contre ses reins.
Un instant, il n'y eut plus rien d'autre au monde. Plus rien d'autre qu'elle en proie à l'expression si dure de cet homme qui la dominait de toute sa stature à lui donner envie de disparaitre dans le sol. Angélique soutint malgré tout son regard, incertaine. Louise lui avait déjà parlé de Wilhelm - un nombre incalculable de fois d'ailleurs -, vantant son avenance et ses sourires enjôleurs à faire rosir la plus sainte des Saintes, mais la princesse ne retrouvait en rien le descriptif que sa meilleure amie lui avait fait de lui ! Il avait l'air si... dur ! Si froid ! Au fond de son regard n'était qu'un désert de glace qui la saisit si fort qu'elle en frémit sur place.
Il était beau oui. A n'en pas douter. Mais sa beauté était incisive autant qu'effrayante aux yeux de la princesse. Wilhelm emplissait Angélique d'une appréhension lancinante qui rendait sa cage thoracique trop étroite pour les battements affolés de son cœur en détresse. Elle le dévisageait avec le sentiment au ventre d'attendre de savoir à quelle sauce elle allait être mangée, suspendue à ses lèvres telle une suppliciée.
Si elle ne se savait pas innocente du moindre mal à son égard - après tout elle le rencontrait pour la première fois -, Angélique aurait juré qu'il n'avait que du mépris, pour ne pas dire de l'écœurement profond à son égard... Il y avait un tel mépris qui émanait de lui lorsqu'il dardait sur elle ses prunelles incandescentes d'un feu éteint et pourtant encore assez brûlant pour qu'elle en ressente le frisson à même sa peau... Un tel dédain ! De quoi la blâmait-il au juste ?
La Prusse détestait-elle donc le rose à ce point...?!

- Angélique, insista son père d'un sourire que le monde considérerait doux, mais dont elle connaissait l'intonation.

Contre son dos, la paume paternelle s'était faite plus ferme, la forçant à exécuter un pas de plus qui la rapprocha de Wilhelm. Angélique s'efforça de lui sourire malgré la tension qui l'étreignait mais qu'elle dissimula au mieux en plongeant dans une courtoise révérence. Le trouble à présent passé, plus ou moins, il était temps pour elle de se reprendre et de te tenir son rang.
D'autant que le prince de Prusse desserra enfin les dents, répondant au Prince et Duc d'Orléans dans un anglais parfait qui ne surprit qu'à moitié la jeune fille. Elle-même parlait plusieurs langues, couramment même, mais contrairement à l'anglais elle avait encore du mal à maîtriser la prononciation du prussien qu'elle teintait toujours de son accent français. Toujours muette, Angélique prit non sans hésitation le bras de Wilhelm lorsqu'il le lui offrit, oeillant vers son père autant que vers celui du Prince qui ne semblaient rien trouver d'anormal à la situation. Etait-elle donc la seule à percevoir ce que son cavalier renvoyait...? Se faisait-elle des idées ? A présent qu'il parlait et l'escortait il paraissait être tout à fait convenable, pour ne pas dire d'une bienséance parfaite. Malgré tout, elle ne parvenait pas à se défaire de ce sentiment qu'il aurait voulu être n'importe où d'autre qu'avec elle et elle était incapable d'apaiser les battements de son cœur en aller retour dans sa poitrine bordée de dentelle dorée.

Angélique prit place à table alors que son voisin lui tirait sa chaise afin de l'y laisser prendre place puis l'observa du coin de l'œil s'installer à son tour. Dans la luxueuse salle à manger c'était l'effervescence, le gratin de la Société présente à attablée s'émerveillant face à ce couvert dressé à la française qui promettait un véritable ballet durant ce service qui serait autant un spectacle qu'un dîner...
Ses mains sur ses genoux, son regard pudiquement réservé bien qu'inexorablement attiré vers Wilhelm à son côté, la Princesse, triturait nerveusement le tissu de sa robe alors qu'à leur tour le Roi de Prusse et le Prince d'Orléans se joignirent aux convives.
Ce repas allait être interminable dans une telle ambiance !

- Je regrette d'avoir le devoir de vous importuner, votre Altesse.

Surprise par ses mots autant que par l'usage de sa langue natale afin de s'adresser à elle, Angélique releva son visage vers son voisin de table en clignant doucement des yeux.
Lui avait-elle donné cette impression qu'il l'importunait ? Seigneur si c'était le cas elle manquait à tous ses devoirs et devait rapidement rétablir la vérité ! Fort heureusement, Antoine tout à sa conversation n'avait rien entendu des mots de Wilhelm où elle en aurait subi des remontrances la soirée entière une fois tout le monde parti !

- Vous ne m'importunez nullement votre Altesse. Je m'excuse si je vous ai donné cette impression. Je vous suis reconnaissante de cette place que vous avez accepté de prendre auprès de moi pour dîner.

Un voile passa néanmoins dans ses jolis yeux noirs. Qu'est-ce qui avait bien pu retenir William ? Il semblait si impatient de la retrouver ! Il lui avait dit maintes et maintes fois dans ses lettres que dès son arrivée à Londres il se présenterait à sa porte afin de fêter leurs retrouvailles ! Alors pourquoi cette absence...?
Sans doute s'inquiétait-elle pour rien. Elle arrivait tout juste et de façon quelque peu impromptue, son père ayant hâté leur départ pour la capitale anglaise plus tôt que prévu et son fiancé de son côté en tant que futur Duc de Kent, avait sa part de responsabilités à assumer. C'était d'autant plus vrai que son père se retirait de plus en plus de ses affaires afin de les laisser à son fils. William avait du être retenu par une de ces dernières voilà tout et ils se verraient dans les prochains jours !

Angélique laissa Wilhelm à la lecture de son menu, mais ne put s'empêcher de l'observer en coin... A nouveau il avait cette expression totalement fermée sur son visage. La Princesse déglutit, puis osa finalement lui demander :

- Si cela n'est pas à votre goût, je peux demander à ce qu'autre chose vous soit servi, votre Altesse.

Les mets de la table du Prince d'Orléans étaient d'un raffinement incroyable, mais elle pouvait comprendre qu'ils ne soient pas au goût de tous les palais. La richesse de la cuisine française que son père amenait partout où il se déplaçait fascinait autant qu'elle pouvait surprendre et ce soir, le dîner était fait sur mesure pour marquer les esprits autant que les papilles en associant des plats salés à quelques assaisonnements sucrés.

Elle espérait ne pas s'être trop mal débrouillée dans son phrasé. Le prussien était une langue difficile sur laquelle elle butait encore parfois malgré le fait qu'elle l'étudiait depuis quelques années maintenant. Les mots étaient interminables et leur prononciation souvent à couper au couteau ! Ce n'était pas une langue qu'elle appréciait. Elle la trouvait dure et sèche, accrocheuse à l'oreille contrairement à l'italien ou à l'anglais qui étaient bien plus doux. Mais elle s'appliquait tout de même à l'apprendre et ce d'autant plus depuis que son frère Alexis avait disparu... Sans doute espérait-elle que parler le dialecte de ce pays l'aiderait à retrouver son frère... Comment, elle n'en avait pas la moindre idée mais ça avait été une façon pour elle de se donner l'impression de faire quelque chose pour lui et de ne pas rester les bras croisés à rien faire en attendant qu'il refasse surface...
Angélique porta la main à son pendentif qui la quittait rarement, un camée couvrant une cassolette à l'intérieur de laquelle se trouvait un portrait miniature de son frère aîné. A sa simple pensée, la princesse sentit le poids de son chagrin venir l'accabler mais elle s'efforça de le repousser. Elle n'avait pas le droit de s'inquiéter ou de pleurer pour Alexis en publique... Cela était réservé à la solitude de ses appartements. Depuis combien de mois avait-il disparu à présent...? Bien trop pour les compter. L'année se rapprochait même...

Angélique s'oublia alors un moment. Soudain, elle n'était plus une princesse mais une sœur soucieuse et se tourna plus franchement vers Wilhelm, en proie à sa détresse d'être dans l'ignorance quant au sort de son frère. Tout ce qu'elle savait, était qu'il avait disparu lors de son voyage en Prusse et ne donnait plus le moindre signe de vie, l'obligeant à s'imaginer le pire sans vouloir y croire pour autant. Elle avait déjà perdu sa mère, elle ne pouvait pas perdre Alexis !
Wihelm était prussien. Indirectement, infimement, cette simple nationalité pour elle, était une connexion avec son frère et Angélique s'y laissa tomber :

- Votre Altesse... commença-t-elle en cherchant à ouvrir son bijou. Puis-je vous demander si v...
- Angélique !

La princesse tressauta en se tournant vers son père juste à sa droite qui après l'avoir rappelé à l'ordre, appuya sur elle un regard sans équivoque lui imposant le silence. Il l'avait vu venir et lui interdisait d'aborder ce sujet là. Pas ici et pas ce soir ! Ce n'était ni le lieu, ni le moment !
Evidemment... A quoi pensait-elle...? Le Prince n'était pas là pour être soumis à la question... Contrite, Angélique baissa la tête et se concentra plutôt sur le ballet des plats qui commença. Une ribambelle de domestiques apparut afin de déclocher le menu sous les applaudissements des convives qui emplirent Antoine de fierté. Après que chacun ce fut extasié, ils furent enlevés afin d'être découpés puis les assiettes furent apportées.

Mauve gras : parle anglais
Mauve gras italique : parle allemand

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Interminable, c’était la journée entière qui lui paraissait l’être. Depuis l’annonce fatidique en début de celle-ci, jusqu’à être forcé à se trouver ici, alors qu’il n’avait envie de rien de plus, que de la simple compagnie de Kaiser dans ses appartements. Ou peut-être celle d’Albert, si ce dernier n’avait pas profiter de la situation pour s’en aller promener dans les rues de Londres, ou tout du moins de ses diverses maisons closes. Cela n’étonnerait l’aîné qu’à demi, à vrai dire. Le cadet s’amusait, alors que lui subissait. Son esprit était ailleurs et n’étant plus que l’ombre de lui-même, il ne faisait pas grand cas d’être aimable ou avenant, contrairement à l’accoutumé. Il tiendrait son rang, observerait la bienséance, mais cela s’arrêterait à cela. Et ce, même s’il savait que désormais, il était tenu de se trouver une épouse dans les plus brefs délais. Toutefois, ce ne serait ni aujourd’hui, ni demain, ni cette semaine qu’il prendrait le temps d’y penser. Dès lors, il était justifié – surtout justifiable – qu’il donne cette impression latente qu’il n’avait aucune envie d’être là. Quant à la pauvre princesse d’Orléans, si elle prenait à cœur son comportement envers elle, ce n’était nullement intentionnel. Il aurait pu s’agir de n’importe qu’elle autre femme, qu’il aurait agit pareillement. La seule chose dont le prussien aurait pu se réjouir, c’est que la demoiselle qu’on lui donna comme hôtesse ce soir, était déjà fiancée et presque mariée, ce qui lui donnait le répit de ne devoir se lancer dans une fausse cour. Néanmoins, il devait le confesser, il n’aimait guère fort la couleur de la toilette de la demoiselle. Celle-ci lui rappelant par trop, celle qu’Elisa portait, le jour où il lui céda son cœur et son âme, il y a onze années de cela.

Les volutes roses de la robe d’Elisa dansait encore dans sa tête, alors qu’il amenait la princesse française à la table et qu’il y prenait sa place à ses côtés. Il s’excusa d’ailleurs d’avoir à l’importuné, alors que dans ses souvenirs, les cheveux de jais bouclés disparaissaient derrière un arbre du jardin. Les souvenirs étaient si douloureux, qu’en regardant le menu, le jeune homme se trouva tout de suite hors d’appétit et l’estomac des plus noués. Diantre, les Français ont-ils donc un estomac aussi faste et solide pour engloutir tout ceci ? Il en aurait presque la nausée, rien qu’à l’évocation du nombre de plat qui s’enchaînerait. La Prusse est connue pour être plus austère certes, même si cela ne veut pas dire qu’elle ne sait s’amuser. Mais l’étalage de faste et surtout de mets qui finiront en déchet ne fait pas partie des attraits de Wilhelm. Absorbé par ce bout de papier noirci interminablement de lettre, le prussien se retourne à demi-surpris vers sa voisine de table, lorsqu’elle s’adresse à lui dans sa langue maternelle. L’accent est certes douteux, mais il ne décèle aucune faute digne d’être souligné. Et quand bien même, il n’est pas là pour jouer au professeur. « Vous êtes fort aimable, votre Altesse, mais je ne suis pas dupe. Cette place n’aurait jamais dû être la mienne et vous n’aviez aucune envie qu’elle le soit. Croyez-moi, si je pouvais échanger ma place contre celle de votre futur époux, pour que cela vous agrée et vous soit agréable, je le ferais. » Se faisant, il pourrait rentrer chez lui et boire jusqu’à l’ivresse en tentant vainement d’oublier son chagrin. Puis reprenant la parole quant au menu. « Une fois de plus, votre Altesse, vous êtes trop aimable avec moi et je vous en remercie. Toutefois, je crains que rien ne soit réellement à mon goût en ce moment. N’y voyez aucune offense, je n’ai juste pas autant d’appétit que la plupart des convives ce soir. » Et surtout de moins bonne composition, cela allait sans dire.

Retournant à sa contemplation, aussi aveugle que silencieuse, du décor et du faste l’entourant, Wilhelm se mura une fois de plus dans un silence de torture, où se mêlait dans son esprit les idées sombres et les souvenirs ombrageux, avec les espoirs assassinés d’un avenir à jamais révolu. Aucun sujet de conversation ne lui venait, rien ne l’intéressait réellement et sans doute passerait-il pour le dernier des mufles, mais ainsi en serait-il. Tant qu’il ne commettait ni entorse à l’étiquette, ni à la bienséance et encore moins de scandale, son père saurait sans doute lui pardonner. D’ailleurs, n’était-ce pas de sa faute à lui, s’il était ainsi peu disposé ce soir ? N’était-il pas prématuré de le forcé à sortir dans le monde, alors qu’il se devait de faire le deuil de ses espoirs assassinés ? À nouveau, Wilhelm fût contraint de se tourner vers Angélique, lorsqu’elle s’adressa à lui. Il l’observa, de ses yeux mornes et froids, alors qu’elle s’apprêtait à lui demander quelque chose, tout en triturant le camé à son cou. La tentative fût tuée dans l’œuf par le père de celle-ci. Les yeux du prussien passèrent alors de l’un à l’autre des protagonistes, s’interrogeant un instant sur ce qui pouvait susciter une réprimande aussi sèche de la part de leur hôte. Angélique se referma aussi vite qu’elle semblait avoir voulu s’ouvrir à lui. Les deux l’étonnèrent. Qu’elle ait d’abord voulu lui parler d’un sujet qui – à sa façon de se tenir et d’aborder la chose – lui tenait à cœur. Mais également la réaction du père, qui suggérait que cela était déplacé. Jusqu’ici, Wilhelm n’avait donné ni l’air, ni l’impression de vouloir être d’une quelconque amitié avec la jeune femme. Si ce dîner était là pour conclure d’une amitié entre la France et la Prusse, son père l’avait bien mal informé. Néanmoins, quelque chose chez Angélique poussa Wilhelm à lui dire discrètement. « Est-ce si important, votre Altesse ? »

Puis vinrent les premiers plats, décloché devant tous et sous les applaudissements. Le Prussien en fit de même, avec moins d’entrain et de franchise que les autres, avec bien moins d’exclamation, partager entre l’exaspération, l’envie de soupirer et son estomac qui se noua davantage. Cela allait être extrêmement long et pénible. Son assiette devant lui, Wilhelm la fixa d’un air des plus neutre et désintéressé. Lorsqu’il releva ses yeux bleus, il croisa le regard de braise de son père, l’invectivant en silence. Vraiment, tout cela allait être très long. Son père se lança alors dans des paroles pleines de bon sens. « Je tenais à vous remercier, pour cette aimable invitation en votre demeure. La France a toujours su recevoir et la Prusse apprécie votre attention, mon cher. » Wilhelm leva son verre en même temps que son père pour appuyer ses dires, avec un sourire aimable – même si forcé -. « Si Dieu le veut, espérons que notre amitié perdurera ! » Et une salve d’applaudissement s’en suivi, après quoi Wilhelm reposa son verre et retient à grand peine un soupire. Les honneurs, les amitiés, de tout cela il n’en avait présentement rien à faire, mais un regard de plus de son géniteur lui fit comprendre qu’il allait devoir si mettre. Le repas lancé, le prince reprit son verre décidé à boire plus qu’il ne mangerait. « Votre Altesse, dites-moi, pour quand est prévu votre mariage ? Je suppose qu’il aura lieu ici ? Vous réjouissez vous ? »


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L'AUBE DU SOIR



Si son éducation ne le lui avait pas interdit, Angélique aurait sans doute disparu sous la table lorsque Wilhelm lui répondit presque sur un ton de réprimande qu'il n'était pas dupe de ses paroles. Interdite, Angélique l'avait regardé en clignant des yeux, soudain envahit par une profonde sensation de gêne autant que d'embarras qui firent cogner son sang à ses tempes. Car si la répartie du Prince était polie, elle n'en demeurait pas moins incroyablement sèche et donna à Angélique l'impression d'un soufflet en plein visage.
Elle était désolée qu'il interprète ses propos de la sorte car elle les avait pourtant sincères. Certes elle regrettait l'absence de son fiancé qu'elle attendait de retrouver depuis tant de temps maintenant elle ne pouvait pas le nier et n'en avait pas l'intention, mais elle n'en était pas moins reconnaissante à Wilhelm d'avoir accepté de l'accompagner à table ce soir. Se retrouver sans voisin aurait été des plus embarrassant pour la princesse de sang qu'elle était et si il était quelque peu familier de l'étiquette, il devait le savoir...

Fidèle à elle-même pourtant, la jeune femme garda le silence, lui laissant la satisfaction du dernier mot bien qu'il se fourvoyait quant à son honnêteté. Elle savait avoir quelques défauts comme tout à chacun, mais le mensonge n'en faisait pas partie. Son père aurait été horrifié de la voir oser chercher à contredire un convive aussi important et l'avait habitué à observer une attitude effacée et non contrariante. Aussi ne se défendit-elle pas, retournant elle-même à la lecture distraite du menu de ce soir sans pouvoir toutefois s'empêcher quelques regards hésitants en coin à son voisin...
Wilhelm était d'une apparence calme, pourtant elle ressentait toute la tension de son corps se communiquer au sien de par leur proximité. Son aura était si lourde que la princesse s'en sentie accablée elle-même et crispa ses doigts sur le papier cartonné tout en déglutissant péniblement.

Malgré son extrême inconfort et presque sa crainte de s'adresser à nouveau à lui tant elle le sentait prêt à imploser à tout instant, Angélique s'efforça d'honorer son rang d'hôtesse en lui proposant d'autres mets si jamais le dîner n'était pas à son goût. Le ton sur lequel il lui répondit fut moins incisif mais pas d'avantage invitant à un quelconque prolongement de leur échange...
Elle ne le dérangea donc à nouveau que lorsqu'elle perdit la tête un instant, submergée par la détresse dans laquelle elle s'était plongée toute seule en se laissant aller à ses pensées qui comme souvent, était parties vers Alexis. Angélique s'était tournée vers le Prince de Prusse avec une ferveur et une étincelle dans son regard qui venait comme de craqueler, mais son père avait soufflé le feu qui avait cherché à naître avant qu'il ne prenne, la réduisant au silence par la seule appellation de son prénom. La braise mourut étouffée dans la cendre qui revint éteindre ses yeux sombres.
Alors que les valets commençaient à servir les assiettes et que l'un d'eux posait la sienne devant elle, Angélique réprima son mal être qu'elle ne put exprimer qu'en triturant nerveusement et douloureusement sa serviette sur ses genoux sous la table à l'abris du regard d'Antoine qui était reparti dans sa conversation initiale avec le père de Wilhelm. La princesse se réprima inférieurement pour son comportement et lorsqu'elle fut tout à fait certaine que ses mains ne tremblaient plus et ne risquaient pas de trahir son émoi, elle les ramena sur l'élégante table, près de ses couverts qui n'attendaient que d'être utilisés.

- Est-ce si important, votre Altesse ?

Surprise que Wilhelm initie la conversation cette fois, Angélique releva son visage vers lui avant de secouer vivement la tête. Les boucles brunes coulant sur sa nuque dansèrent élégamment sous le mouvement.
Oui c'était important. C'était même tout ce qui comptait pour elle mais son père avait raison. Ce n'était pas le lieu pour une telle conversation et elle était navrée d'avoir manqué se montrer si inconvenante en osant aborder un sujet aussi sombre dans un pareil évènement et en présence de tels invités. La soirée était à la fête après tout ! Et voilà qu'elle avait été à deux doigts de lancer le sujet de son frère disparu !

- Je vous prie de m'excuser Votre Altesse. J'ai manqué outrepasser les convenances...

L'appétit l'avait quelque peu quittée elle aussi, mais elle se devait pourtant de manger ce à quoi elle s'attela à contre cœur. Le morceau de viande qu'elle porta à ses lèvres lui donna une sensation de satiété déjà immédiate alors qu'elle n'en était qu'à la première bouché...
Autour d'elle, les gens riaient, plaisantaient, et elle comme toujours, se réservait, présente mais silencieuse. Angélique retournait dans cette sensation constante d'être immergée dans des eaux peu profondes et de voir le monde s'y mouvoir sans qu'elle lui appartienne. Les voix des convives à son oreilles étaient sourdes. Distantes. Leurs gestes presque tentaculaires, comme ralentis par une atmosphère trop épaisse. Elle appartenait à l'autre côté du miroir, observatrice sans jamais être actrice.

Lorsque le Roi de Prusse prit la parole, Angélique releva ses yeux et comme chacun, posa sa fourchette et son couteau afin de s'emparer de son verre, prête à le lever. La jeune femme s'efforça de sourire, de ce sourire doux qui la caractérisait et prit une gorgé de champagne qui lui picota délicieusement les lèvres.

- Ma fille la Princesse Angélique et moi-même sommes ravis de vous recevoir ce soir à Burlington House ! Quant aux dessins de notre Seigneur ma foi, permettons nous de les influencer quelque peu !

Les invités rirent de bon cœur et levèrent une nouvelle foi leur verre avant de retourner à leurs conversations et surtout, à leur dégustation.
Assiste entre son père et Wilhelm qui était fort peu disposé, la table trop large pour converser avec la personne lui faisant face qui de toute façon étant le Roi de Prusse, était occupée avec Antoine d'Orléans, Angélique n'avait pas grande possibilité de discussion et le regrettait. Elle était toujours si seule que ce genre de mondanité étaient généralement pour elle les seuls instants où elle pouvait se permettre d'avoir la sensation d'exister et surtout de vivre un peu.

Wilhelm la surprit une fois de plus en s'adressant à elle pourtant, dans sa langue maternelle ce qui lui apporta un réconfort qu'elle n'aurait pas soupçonné. Encouragée par son père qui était visiblement ravi que l'interaction fut enfin initiée entre eux, Angélique finit sa bouche et se tourna d'avantage vers le Prince, toute disposée et sincèrement ravie de pouvoir parler de quelque chose qui en effet, la réjouissait.

- La date n'est pas encore fixée mais je l'espère imminente, nous devons en discuter de vive voix. Je n'ai pas revu mon fiancé depuis la dernière Saison car nous sommes rentrés en France.

Et qu'à l'évidence, il n'était pas là ce soir... William lui avait écrit durant leur temps séparés, mais à cause de ses obligations de futur Duc de Kent il n'avait pu quitter l'Angleterre pour lui rendre visite. Ce qui n'en avait rendu leur relation épistolaire que plus forte...

- William voudrait que le mariage ait lieu dans le Kent sur ses terres. Mon père préfèrerait que cela se fasse ici à Londres.

Ce qu'elle voulait elle n'était pas essentiel à l'équation visiblement mais très franchement, elle s'en moquait de l'endroit où se ferait le mariage. Tant qu'il se faisait ! Tout ce qu'elle voulait elle, c'était épouser William au plus vite afin de goûter enfin à une vie dans laquelle elle se sentirait importante pour quelqu'un.
Angélique ne doutait pas de l'amour de son père à son égard mais contrairement à feu sa mère, il était fort peut démonstratif ou enclin à exprimer ce genre d'émotions dont sa fille avait pourtant si cruellement besoin et ce d'autant plus encore depuis la disparition d'Alexis.

- Je dois avouer que oui Votre Altesse. Je m'en réjouis sincèrement ! Je suis Princesse de sang. Il devait savoir ce que cela signifiait... J'avais depuis longtemps accepté le fait que je devrais épouser quiconque serait choisi pour moi dans une union sans affection.

L'extension de terres, de pouvoir, les alliances... Tout cela ne se gagnait pas pour des gens comme eux. Non. Cela s'épousait. Et ça allait rarement de pair avec l'amour... On ne parlait pas de sentiments en politique.

- Mais j'ai la chance d'être promise à un homme qui me plait et à qui par chance je plais également je ne pourrais être plus heureuse de mon sort.

Une véritable tendresse émanait d'elle lorsqu'elle évoquait William de Kent. Angélique posa sur sa bague de fiançailles qui ornait son doigt ganté un regard doux alors qu'un sourire sincère vint éclairer son visage jusqu'à présent si éteint.
Elle aurait tant aimé qu'il puisse venir ce soir...

- Et vous ? Appréciez-vous le début de cette saison Votre Altesse ? Je suis navrée de l'avoir manqué à quelques jours près. Le bal du Roi était à ce qu'on dit somptueux.


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L'aube du soir
We must understand that sadness is an ocean, and sometimes we drown, while other days we are forced to swim. @Angélique d'Orléans & @Wilhelm von Hohenzollern


Le peu d’attrait qu’il venait de trouver à ce dîner s’effaça aussi vite qu’il était venu, lorsqu’Angélique l’informa qu’elle avait manqué d’outrepasser la bienséance. Ainsi donc, il ne saurait pas le fin mot de l’histoire, ni ce qu’elle avait bien voulu lui dire. Cela faisait certes un peu commère sur les bords, mais il fallait dire que le reste de la soirée était parfaitement ennuyeuse. Outre sa voisine de droite, celle de gauche lui semblait une poule sortie de sa basse-cour, gloussant à n’en plus finir et colportant une somme folle de ragots, à faire pâlir la plume de cette chère Miranda. Quant à son assiette, Wilhelm la regardait toujours avec l’entrain d’un condamné à mort devant son dernier repas. Par politesse, il prit une bouché de celui-ci. Retenant à grand peine son envie de recracher, il se força à déglutir en ajoutant à cela une gorgée de sa boisson. Non pas que la cuisine soit infecte, mais il aurait même été question de son plat favori, que la torture aurait été la même. Pourvu que le potage passe mieux que ceci… Puisqu’il était visiblement plus facile pour lui d’absorber du liquide. D’autant plus si le liquide en question contenait de l’alcool…

Alors qu’Antoine d’Orléans répondit à son père, Wilhelm se fendit d’un nouveau sourire coûteux et porta à nouveau son verre en l’air pour saluer les paroles de son hôte. Ainsi donc, la France et la Prusse tâchaient d’être amies… Pour combien de temps ?  Cela ne faisait à peine qu’une dizaine d’année que l’Angleterre avec l’aide de la Prusse avaient défait le nain Français. Se pourrait-il que la royauté déchue de l’hexagone cherche le soutien de ses ennemies séculaires afin de reprendre la tête de leurs terres arrachées par la révolution ? Peut-être bien. Néanmoins, le prince n’était pas dupe… Cela ne durerait jamais bien longtemps. Tel deux enfants se disputant le même jouet, la France et la Prusse se battraient encore demain. À moins qu’elles ne trouvent une façon durable de s’allié… Et il ne voyait pas bien comment cela se ferait. Un mariage ? Il n’avait pas entendu dire qu’une princesse de sang française ait la main libre. Quant au prince français, personne n’avait de nouvelles de lui depuis un moment déjà et il n’y avait plus de fille dans sa fratrie à marier à ce dernier. Bref, tout cela lui donnait mal à la tête et il reprit une gorgée de sa boisson.

Un regard noir de son père lui donna un frisson d’appréhension et le força alors à trouver un sujet de conversation avec la princesse Angélique. Cela lui coûtait d’ailleurs plus qu’il n’était envisageable. Parce qu’il n’avait rien trouver de mieux, que de lancer le sujet autour du mariage futur de celle-ci. Certes, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle soit à ce point ravie de convoler en justes noces, mais tout de même. Il aurait dû se douter, que par politesse déjà, elle aurait eu l’air ravie. Toutefois, l’air réjouit n’était nullement feint et la diarrhée verbale qu’elle lui servit à ce propos le laissa froid en apparence. Car en profondeur, son cœur et son âme se lancèrent dans une hémorragie inendiguable, lui donnant tant l’envie de lui hurler de se taire, que de fuir à des lieux de là et d’elle. Elle et son bonheur parfait. Elle et son mariage heureux à venir. L’amertume dans sa bouche était difficile à déglutir et il du reprendre une dose d’alcool pour la faire passer et se fendre d’un sourire qui sentait le faux à plein nez. « Je suis sincèrement ravi pour vous, Altesse. Nul doute que, peu importe le lieu du mariage, il sera somptueux. Néanmoins, je comprends l’envie de votre père. Comme vous l’avez souligné, vous êtes princesse de sang, la capitale me semble donc bien plus indiqué pour un tel évènement que le Duché de Kent. »

Jamais William ne gagnerait sur ce terrain-là, cela il en était persuadé. Antoine d’Orléans ferait entendre sa voix et ne se laisserait pas dicter sa conduite. La résolution d’Angélique à son destin de princesse de sang était honorable, lui-même n’y parvenait pas et refusait de s’y résigner. Et le couteau tourna dans sa plaie, mettant son cœur au supplice, faisant résonner le sang dans ses tempes et lui glaçant l’âme en même temps. Dieu, si maintenant elle pouvait seulement se taire… Toutes ses paroles le ramenaient irrévocablement vers ce qu’il n’aurait désormais jamais. Ses yeux bleus se gelèrent d’avantage et son attitude se raidit plus encore. La tension dans ses muscles était insupportable. Il luttait autant contre son avis de la faire terre, que celle de se lever de table pour s’en aller loin… Très loin d’ici. Chevauché bride abattue en direction de la campagne et de Dieu savait où. Pourtant, il n’en fit rien. « J’ai, on ne peut plus, conscience de la charge du sang qui pèse sur vous et sur moi, votre altesse. » Et il en mesurait d’avantage la charge maintenant que ses espoirs s’étaient brisés. Et qu’elle ne vienne surtout pas lui dire qu’en tant qu’homme, il avait plus de choix qu’elle. Ce serait risqué de le voir exploser.

La tendresse qui transpirait d’elle, lui donna un instant la nausée et il dû reprendre encore une dose d’alcool pour s’aider à la fois à se tenir et à ne pas le montrer. Son regard clair croisa celui de son père. La discussion muette entre eux était intense. Il lui intimait de se tenir. Wilhelm, lui, hurlait sa détresse de son mieux. Le roi de Prusse rompit l’échange et son fils reprit la conversation avec la princesse. Un léger sourire s’étira sur ses lèvres et il lui répondit : « Mon cousin a toujours su recevoir, le bal était donc effectivement aussi somptueux, que réussi. Avec son lot de petits scandales, il va sans dire. Les Anglais sont si friands de cela et de la chronique de Miranda. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de croiser la princesse de Chimay, ainsi que celle du Liechtenstein. De même, j’ai eu une brève discussion avec le nouveau duc de Norfolk. Mais vous pourrez sans doute combler votre retard de la saison d’ici quelques jours. J’ai organisé une Garden Party, dans les jardins de mon cousin, afin de saluer l’arrivée de mon père et de mon frère. Serez-vous des nôtres ? »



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L'AUBE DU SOIR



Angélique était une femme d'action enfermée dans son propre corps de par son titre et les convenances y étant liées, aussi prenait-elle l'adrénaline où elle le pouvait. Bien qu'elle appréciait nourrir son esprit dans la lecture, elle préférait par exemple se rendre au théâtre et à l'Opéra plutôt que de lire. Car tout était plus vivant sur une scène. Il y avait les couleurs, la musique, les costumes, la vie. Elle préférait les jeux de contact, d'épreuves et de courses bien plus que ceux de hasard et de stratégie assise à une table. Et bien qu'elle trouvait un certain réconfort dans ses échanges épistolaires avec ses proches, rien ne lui plaisait plus que de pouvoir converser.
On pouvait croire qu'étant princesse cela lui était une activité courante, mais c'était sans compter sur la protectivité excessive d'Antoine d'Orléans. N'approchait pas Angélique qui voulait et ce encore moins pour échanger avec elle. Elle était Princesse de France, descendante des deux familles les plus illustres de France. Le Seigneur avait de plus fait que la puberté lui soit favorable et transforme la disgrâce des traits de son adolescence en une beauté toute féminine. Elle se méritait. Angélique côtoyait et rencontrait beaucoup de monde depuis toujours. Nobles, courtisans, ambassadeurs, émissaires... Mais la liberté de pouvoir profiter de compagnie d'autrui pleinement lui était rare.

Aussi était-elle ravie d'enfin pouvoir se laisser un peu aller ce soir avec le Prince de Prusse. Antoine n'y trouvait rien à y redire et encourageait même cet échange, ce qui permit à la jeune fille d'être plus libre de ses mots sans le poids de sa surveillance constante sur elle.
Elle répondit à Wilhelm avec toute la sincérité du monde, incapable de réprimer son excitation quant à son futur. Angélique était plus que consciente de sa chance et peinait même encore parfois à y croire. Toute sa vie et ce dès son plus jeune âge, on lui avait dit qu'un jour elle servirait la Couronne de France de par son union. Elle s'y était faite. C'était normal. Elle n'avait d'ailleurs même jamais envisagé les choses différemment. Lorsqu'elle rencontrait de jeunes nobles, des princes, elle se demandait toujours si l'avenir ferait qu'un jour elle leur appartiendrait.
Qu'Antoine l'autorise à se laisser courtiser par William de Kent, plus encore à prendre le temps de savoir si il pourrait lui convenir en vue d'un mariage, l'avait surprise au plus au point. Il était une éminente future figure d'Angleterre aussi était-il tout à fait légitime à s'intéresser à elle, mais Angélique était si peu habituée à son libre arbitre que la situation l'avait fort déroutée les premiers temps ; elle pouvait choisir son époux. Un époux qui lui plaisait et à qui par une chance inouïe, elle plaisait également.

Wilhelm la félicita, lui assurant ses meilleurs sentiments, pourtant elle remarqua que son corps s'était tendu et son regard durcit. La Princesse se tendit quelque peu à son tour sur sa chaise, se demandant ce qu'elle avait bien pu dire ou faire pour provoquer un tel déferlement de froideur chez lui. Le Prince bougeait, respirait, buvait... mais il lui paraissait plus glaçant que le plus mordant des hivers, au point qu'elle en frissonna malgré les gants de satin qui couvraient élégamment ses bras.

- Si ça ne tenait qu'à moi... j'aurais adoré faire cela en France.

Dans la chapelle où ses parents s'étaient unis à Saint Cloud. Auprès de sa mère dont la mer la séparait... Elle aurait été un peu avec elle de cette façon. Angélique contint l'élancement de chagrin qui lui noua la poitrine et se força à se reconcentrer sur sa conversation avec le Prince. Ce dîner était sa toute première parution dans le monde depuis le décès de sa mère un mois plus tôt. C'était très prématuré, mais aucun choix encore une fois, ne lui avait été donné. Une autre charge liée à son sang...

Antoine aurait forcément le dernier mot de toute façon. De cela, elle ne doutait absolument pas. Il n'était pas homme à s'écraser et à renoncer à ses idées, hors il voulait ce mariage à Londres. Organiser le mariage dans le Kent les forcerait à quitter la Capitale prématurément alors qu'ils venaient d'y arriver et cela était hors de question.

- Oui, je le sais Votre Altesse.

Les autres ne pouvaient comprendre. Elle, oui. Le commun des mortels pensaient que être une tête couronnée accordait toutes les libertés. Tous les privilèges. Comme ils se trompaient...
Wilhelm était un homme. Les hommes avaient le pouvoir de tout, à commencer par celui du choix. Une jeune fille avait le pouvoir d'éconduire, mais en aucune façon d'aborder. Pour autant, Wilhelm n'était pas un homme comme les autres. Il était Prince. Et ça changeait tout. Angélique avait grandi avec Alexis. Son frère avait été éduqué dans la même idée qu'elle et peut-être même avec encore plus de rigidité puisqu'il était l'héritier ; son union serait politique. Elle servirait la France.

Angélique étouffa le malaise dans lequel la plongeait Wilhelm dans une gorgée de vin. Elle reposa son verre, s’abîmant dans la contemplation de son assiette qu'elle dégustait lentement non sans lui demander pour autant comment se passait cette Saison pour lui. Elle sentait les regards aléatoires d'Antoine sur elle, surveillant sans doute du coin de l'œil que tout se passait bien. Elle se retint de soupirer. Ne pouvait-il la laisser respirer un peu de temps en temps sans être constamment penché sur son épaule à épier et évaluer tous ses faits et gestes...? Il était si difficile d'être en permanence surveillée...

Wilhelm lui parlait dans un écho quelque peu lointain alors qu'elle-même échangeait de façon muette avec Antoine. Son expression était bienveillante, satisfaite même, mais elle ne se leurrait pas. Il ne lui autoriserait aucun faux pas en présence de la Prusse ce soir.
Angélique réalisa que le Prince lui parlait toujours, lui décrivant le bal d'ouverture de la Saison. Elle manqua le passage où il évoqua Louise et Marie, pour n'entendre que la mention du Duc de Norfolk. Elle ne connaissait pas cet homme. Elle ne savait de lui que ce que William lui en avait dit dans ses lettres mais elle devait s'avouer curieuse de le rencontrer.

- J'en serais absolument ravie Votre Altesse, lui sourit-elle alors que ses yeux pétillaient d'une envie retenue.

Son entrain n'était pas feint mais son cœur se serrait. Elle était partagée. Son envie d'y aller était sincère mais elle était dévorée par l'appréhension...
Angélique aimait sortir de ces murs. Elle s'était déjà rendue au Palais, mais elle n'en avait pas encore vu les jardins hors elle adorait cela. Sa mère était férue de botanique. Petite, elle manipulait souvent la terre avec elle lorsqu'Antoine n'était pas au domaine. Elle n'en avait pas la passion comme Marie-Adélaïde de Bourbon, mais elle en gardait beaucoup de nostalgie affectueuse et il lui plaisait toujours de découvrir ce que les jardiniers étaient capables de faire des arbres et des fleurs.

Elle espérait seulement être prête à affronter autant de monde si vite et en particulier dans un tel contexte. Car si cela se passait au palais royal, cela signifiait que tout le gratin de Londres seraient présent, en plus du Roi lui même, sa famille et celle de Prusse. La jeune fille tourna son visage vers son père à qui le Roi de Prusse venait sans doute de lancer la même invitation. Il confirma que bien entendu, ils seraient présents.
Tous les deux.

- Je pense que je peux donc vous répondre que oui, Prince.

L'espièglerie était timide, presque indicible mais elle était tout ce qu'Angélique savait se permettre.
Princesse Angélique, l'apostropha

- Votre Altesse, s'adressa un des convives à Antoine. Pardonnez-moi cette question mais Son Altesse votre épouse est-elle restée en France ? Nous avons entendu dire que sa santé était fragile.

Angélique laissa tomber sa fourchette qui tinta désagréablement sur son assiette. Elle se figea sous la sensation de douleur intense qu'il l'envahit sur l'instant, fuyant les regards qui s'étaient tournés vers elle. Son sang se mit à frapper à ses tempes avec une telle violence qu'un instant des points de couleur se mirent à danser devant ses yeux embués. Elle aurait voulu fuir, quitter cette table afin d'aller laisser libre cours à ses larmes intarissables qui se bousculaient à la barrière de ses paupières mais elle savait qu'elle n'en avait pas le droit. Elle ne pouvait se donner en spectacle. Elle devait garder contenance et arborer une mine de circonstances. Si son visage demeurait le plus impassible possible, son corps lui tremblait de tout son être.
Elle n'osa pas regarder vers Antoine mais elle le connaissait par cœur. Personne d'autre ici ne le remarquerait tant il était maître dans l'art de masquer ses sentiments mais elle entendant elle, la torsion dans ses cordes vocales lorsqu'il répondit.

- Malheureusement mon épouse nous a quitté il y a quelques semaines. J'imagine que la nouvelle n'a pas eu le temps de se répandre encore sur le sol de l'Angleterre.

Et pour cause, Antoine n'était pas le futur Roi de France vers qui tous les regards se tournaient. Il n'était que son frère cadet ce qui lui conférait une certaine vie privée pour le moment. Car à n'en pas douter si Louis-Philippe avait perdu son épouse, toute les Cours avoisinant la France et leurs courtisans seraient déjà au courant.

- Mais la soirée n'est pas à cela mes amis. Trinquons à ce dîner et aux réjouissances à venir !

Les verres se levèrent, tintèrent mais Angélique elle, demeurait murée dans une détresse incommensurable, incapable de bouger. Si elle le faisait, elle n'était pas certaine d'avoir encore la maîtrise de quoique ce soit... Hors il aurait été fort mal venu qu'elle éclate en sanglots au beau milieu d'un dîner aussi prestigieux n'est-ce pas ?



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S’il ne tenait qu’à eux, bien des choses seraient différentes. Outre les aspects confortables de la vie de nobles, ceux-ci étaient vilainement contrecarré par une série de règles et de devoirs, autant que de privations. Oui, aux yeux du peuple, ils avaient la belle vie et ne manquaient de rien. Mais parfois, la simplicité de la vie des paysans paraissait si enviable. C’est le lot de tous, de ne jamais se satisfaire de sa situation, après tout. Car même le paysan a ses propres difficultés. Cependant, la liberté de choix de l’épouse, lui semblait la plus belle de toutes à cet instant. Sans compter, qu’il venait de se faire abreuver de la joie, sur le même sujet, par la princesse de France. Cela le rendait morose et fit se tendre le moindre de ses muscules. Mais il devait se tenir, paraitre et sourire en toutes circonstances, sinon les choses dégénéreraient pour lui. Parfois, il se demandait bien ce qui poussait son père à être ainsi avec lui. Il n’était après tout que le second… Ce n’est pas comme si la couronne devait un jour lui échouer. Certes, il savait depuis longtemps, que la politique rythmerait sa vie – même s’il n’excellait certes pas dans ce domaine, préférant les armes -, mais il avait jugé qu’une alliance par mariage avec la Pologne était enviable. D’autant plus, que la jeune femme que sa tendre sœur, la tsarine, lui pressentait comme épouse, n’était rien de plus qu’une fille de Duc de Prusse. Et sœur de l’épouse de son frère Karl, qui plus est… Où se situait l’avantage politique dans cette union ? S’il lui fut permis, Wilhelm aurait soupirer à cette pensée, mais il s’en garda. Il reporta son attention sur Angélique et lui offrant un triste sourire de compassion, répondit : « Je n’en doute pas, mais par votre mariage, vous deviendrez citoyenne Anglaise… Il y a donc une certaine logique à ce que cela se fasse ici… Même si dans votre cœur et votre âme, vous serez toujours française. »

Ah… le destin triste et fragile de bien des princesses, que de se voir exilé loin de leur patrie, devant épousé et servir les intérêts de la nouvelle, même lorsque cela va à l’encontre de ses principes et de ceux inculqués à la dure dans sa nation d’origine. Si demain, l’Angleterre attaquait la France, la pauvre Angélique ne pourrait se dresser face à cela. Wilhelm reprit une gorgée de vin et observa en silence son père, se demandant quelles idées passaient encore dans son cerveau. Il serait capable de bien des choses… Et parfois, il préférait ne pas le savoir, ni s’en douter. Il avait repris sa conversation avec la France, l’invitant de part le fait à la Garden Party, qui aurait lieu bientôt. Visiblement, ravie qu’il l’y invite, mais poliment retenue par le devoir de demander à son père son avis sur la question. Mais voilà donc l’idée qui germait dans la tête royale, puisque ce dernier avait fait de même avec Antoine. Ainsi donc, l’Angleterre, la France et la Prusse seraient réunie au même endroit, pour une célébration en toute amitié. Si cela n’était pas historique ! L’espièglerie, même contenue, d’Angélique lui tira son premier vrai sourire de la soirée, avant que tout ne bascule…

S’il est vrai que même lui ignorait que l’épouse bien-aimée d’Antoine d’Orléans avait quitté ce monde – bien que des rumeurs à ce propos aient circulé -, il ne se serait jamais permis de faire allusion à son absence. Peut-être était-ce là, le résultat de son éducation prussienne, mais ce n’étaient pas des sujets qu’on abordait à table. Et visiblement, de nombreuses personnes ce soir se seraient passé de cette question. À commencer par Antoine et sa fille. Si ses muscles s’étaient relâchés quelques peu, quelques instants plutôt, voilà à nouveau qu’ils se tendaient avec force en voyant l’état de sa voisine de table. Il dût inspirer grandement et fermer les yeux, pour ne pas avoir à fusiller du regard l’investigateur de ce malheur. En les rouvrant, il croisa le regard déconcerter de son patriarche, à la fois mécontent lui aussi, qu’inquiet de le voir ainsi. Déglutissant avec amertume, il observa à nouveau Angélique, à la limite de fondre en larmes. Ce qu’il comprenait avec aisance, lui-même ayant vécu le deuil de sa bien-aimée mère, bien longtemps auparavant désormais. Il ne suivit le toast qu’à contre cœur, en profitant pour remettre la fourchette de la princesse de France à sa place. Ce qui suivit aurait pu être déplacer, s’il ne l’avait pas fait en toute discrétion. Profitant qu’elle ait reposé sa main gantée hors de la table, il vient la chercher de la sienne et la serrer avec compassion et amitié. Avant de lui demander en allemand : « Pensez vous qu’il serait sage de demander à votre père d’aller vous aérer ? Je puis feindre de me sentir mal et que vous deviez m’accompagner avec votre chaperon. »




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L'AUBE DU SOIR



Elle aurait aimé être aussi douée que son père dans l'art de garder contenance. En général, elle se flattait d'ailleurs de réussir cet exercice auquel on l’entraînait depuis son enfance plutôt bien, mais ce convive venait d'évoquer le seul sujet au monde face auquel Angélique ne pouvait faire autrement que de tiquer.
Bouleversée, elle s'interdit tout mouvement car elle était persuadée que si elle esquissait le moindre geste, elle s'effondrerait. Elle devait déjà faire appel à toute la force de sa volonté pour ne pas éclater en sanglots et contenir les larmes qui affluaient à ses yeux chocolats qu'elle gardait résolument baissés sur son assiette. Elle aurait voulu pouvoir se dérober de la vue de tous... Disparaître. Le temps s'amusait à ses dépens et se distorsionnait pour étirer les secondes en d'interminables minutes qui mettaient la princesse au supplice.
Pourtant elle s'efforçait de demeurer digne. Elle ne voulait pas se donner en spectacle. Elle ne voulait faire honte à son père en attirant l'attention sur des larmes qu'elle oserait verser à un tel dîner en présence de la Prusse et de quelques autres hauts dignitaires du royaume d'Angleterre. Elle tenait son rang de son mieux à l'aide de tous les artifices qu'on lui avait enseigné, pourtant son corps trahissait la tension et la détresse qui se la disputaient. Angélique se sentait comme tomber en elle-même. La chute était vertigineuse et les parois auxquelles elle cherchait à se retenir d'un lisse désespérant. Elle n'arrivait à se rattraper à rien qu'importe combien elle s'y essayait. Antoine ne la regardait pas, sans doute lui même dans la démarche identique à la sienne à défaut que lui semblait déjà avoir laissé cet épisode derrière lui pour reprendre sa conversation animée avec le Roi de Prusse.

Angélique se recula légèrement sur sa chaise. Le dossier l'aida à demeurer droite... Elle retira ses mains de la table afin de les glisser sur ses cuisses où ses doigts gantés agrippèrent le tissu de sa robe avec une force qui aurait été qualifiée d'inconvenante si on avait pu la voir l'exécuter. Car ce geste n'avait rien de délicat ou de princier. Il était un appel à l'aide. Une tentative pour elle de ne pas sombrer d'avantage dans cet abîme qui l'engloutissait. Elle se raccrochait à un fil. Un fil qui lui donnait un peu de répit, mais qui déjà se craquelait.  
Elle serra plus fort, griffant sa peau sous l'étoffe mais le lien cassa. Angélique cessa de respirer et redouta l'émotion étouffante qui l'étrangla et dont les serres plantées dans ses chairs faisaient d'elle sa marionnette. Elle éprouvait déjà le carré de bois qui dansait au dessus de sa tête et lui commandait d'imploser. Elle ignorait ce qui la terrorisait le plus ; craquer ou décevoir Antoine. Mais elle savait en revanche que l'un comme l'autre était sur le point d'arriver.

Angélique esquissa un mouvement de défense face à l'inévitable, mais elle n'alla pas au bout car soudain une chaleur l'envahit. Elle se déclara dans sa main et remonta le long de son bras pour aller apaiser son cœur en étau. Déconcertée, elle baissa son regard afin d'en chercher l'origine et fut surprise de découvrir une large paume qui couvrait la sienne avec une prévenance qui la toucha jusqu'à l'âme. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois que quelqu'un avait eu ce genre d'élan envers elle. Alexis n'était plus là pour l'en combler et sa mère non plus. Son père à l'enterrement, avait eu ce geste de réconfort et Angélique le remercia intérieurement de l'avoir à nouveau en cet instant difficile à affronter pour elle mais elle réalisa alors que Antoine se trouvait de l'autre côté.
Elle releva son visage et suivit la manche du riche vêtement jusqu'à rencontrer celui de Wilhelm qui sans dire un mot, semblait lui dire pourtant tout ce qu'elle aurait eu besoin d'entendre. Elle plongea dans cette conversation muette où seul deux cœurs ébréchés par la perte d'un être cher pouvaient se comprendre et sans s'en rendre compte elle rendit l'étreinte à ces doigts amicaux, oubliant combien le Prince pouvait l'intimider à peine quelques minutes plus tôt.
La proposition de Wilhelm la surprit mais le salut qu'elle ressentit au creux de sa poitrine à son évocation fit pétiller ses yeux de gratitude autant que d'étonnement. Angélique n'était pas habituée à être ainsi considérée et épargnée. Pouvait-elle accepter son offre ? Son éducation aurait voulu qu'elle la décline poliment en lui assurant qu'elle allait bien mais sa main tremblait dans la sienne. Il y avait des choses qu'on ne pouvait taire. Elle acquiesça donc vivement, presque suppliante sans le vouloir.

- Oui... Je vous en supplie...

Avait-elle parlé ou juste murmuré ? Seulement pensé ces mots ? Elle n'en avait pas la moindre idée mais la seconde suivante, elle se levait et donnait sa main à Wilhelm afin qu'il l'escorte - ou plutôt qu'elle l'escorte si on s'en tenait à son plan - hors de la salle à manger.
La porte à peine franchie, la Princesse de France aperçut sa femme de chambre sortir d'elle ne savait quelle ombre comme elle avait le don de le faire afin de les suivre tous deux à distance raisonnable. Angélique ne détestait pas cette femme, mais elle ne l'appréciait pas non plus. Elle ne l'avait pas choisie. Comme tout le personnel auprès d'elle, Scarlett avait été désignée par Antoine afin de veiller sur le quotidien de sa fille. Elle lui rendait des comptes détaillés de ses moindres faits et gestes, aussi la jeune femme n'avait-elle aucune complicité avec cette dernière. Elle ne pouvait donc espérer aucun soutien de sa part ni oreille attentive contrairement à bien des demoiselles qui étaient souvent proches de ces femmes qui accompagnaient toutes leurs journées. Sa mère, avait pour confidente sa suivante. Angélique elle depuis la disparition de son frère, n'avait plus personne sur qui se reposer.
Accrochée à cette main qui l'avait sortie de cette situation délicate sans doute d'avantage qu'elle l'aurait du, la princesse mena l'héritier du trône de Prusse jusqu'à un salon plus en retrait et se laissa choir sur une banquette. Elle enfouit son visage dans un mouchoir puis laissa enfin s'échapper ce sanglot qui la tenait en otage depuis trop longtemps.

Une minute. Elle avait juste besoin d'une minute afin de recouvrer ses esprits et discipliner ses émotions qui pour le moment l'assaillaient telles des vagues irrégulières. Elle ne voulait pas pleurer pourtant. Pas face à Wilhelm. Il n'était pas là pour voir cela et elle était désolée de lui infliger un tel spectacle.

- Je vous prie de m'excuser Votre Altesse je...

Angélique osa un regard inquiet vers le corridor en proie à son inquiétude d'être vue par sa femme de chambre. Elle redoutait qu'elle puisse la voir dans un état si peu approprié et le rapporter plus tard à son père qui à n'en pas douter en serait furieux et ne manquerait pas de la réprimander quand pourtant, elle faisait de son mieux. Comme toujours...
Même seule ici, Angélique n'était pas vraiment libre de se laisser aller à son chagrin et elle en avait parfaitement conscience aussi se força-t-elle à respirer et à se redonner une contenance. Affublée d'un sourire qu'elle essaya de faire le plus sincère possible malgré les larmes qui brillaient toujours à ses yeux, Angélique se releva bravement en lissant sa robe et regarda Wilhelm :

- Je vous suis reconnaissante de m'avoir permis de sortir un instant... Je suis sincèrement navrée de vous avoir imposé cette scène... Ce dîner est ma première mondanité depuis que ma mère nous a quitté il y a tout juste un mois et je crains de m'être laissée submergée à son évocation. Cela ne se reproduira plus.

Elle s'excusait comme elle l'aurait fait face à son père ou quiconque de sa Cour. Un tel comportement était intolérable et indigne d'une Princesse. Elle était supposée rester maîtresse d'elle-même, toujours. Ne jamais montrer ses émotions de la sorte. Un membre de la famille royale n'avait pas ce luxe.
Le Prince n'avait déjà pas l'air enchanté par sa compagnie à son arrivée, elle espérait qu'elle n'avait pas aggravé son humeur la concernant en montrant le velours éraflé sous le masque princier qui l'habillait.




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Wilhelm fût néanmoins impressionné par la capacité d’Angélique à retenir ses larmes, qui menaçaient pourtant de lui échapper. Il fallait cependant être proche d’elle, comme il l’était à cet instant, pour pouvoir le remarquer. Dieu merci… Un autre que lui l’aurait sans aucun doute jugé et même, d’une certaine façon, reprise de volée en lui intimant que c’était inconvenant. Malgré sa stricte éducation et sa rigidité apparente, Wilhelm ne pouvait être de ceux-là. Parce qu’une mère, ils n’en avaient qu’une et que lui aussi, avait perdu la sienne. Une femme admirable et aimante, qui n’avait eu de cesse de chérir chacun d’eux, les défendant bec et ongles devant un père parfois trop exigeant, avant d’être rappelé par Dieu. Une mère dont il aurait bien eu besoin en ces temps troublés, qui aurait su trouver les mots pour apaiser la douleur de son cœur. Alors oui, ce fût avec compassion et bienveillance, qu’il se lança au secours de la princesse de France, comme la reine de Prusse aurait aimé qu’il le fasse.

La main d’Angélique sous la sienne tremblait avec la force du désespoir, nouveau signal pour lui, qu’elle ne tiendrait plus guère le barrage vaillant, sous les flots voulant se déchainé. Si tôt son approbation reçue, il ne mit pas plus longtemps avant de platement s’excuse, arguant qu’il ne se sentait guère dans son assiette, tout en remerciant d’avance la princesse de l’escorter quelques instants pour prendre l’air. Avant de disparaître, cependant, il lut dans les yeux de son père, qu’il n’avait pas été dupe, mais surtout, qu’il n’en soufflerait rien. Intérieurement, Wilhelm se sentit soulagé, qu’une partie de la complicité qu’il avait jadis avec son paternel ne soit pas complètement morte, ce soir.

Une fois quelque peu à l’abris des regards, Wilhelm se pose en spectateur, ne sachant que faire de plus ; ayant déjà fait plus qu’il n’était convenable. Dans le petit salon, il reste droit comme un ‘i’ écoutant se mourir l’unique sanglot de la France, qui ne doit pas perdre la face. Il l’écoute justifié, ce qui ne devrait pas l’être. Pourtant, dans leur monde, tout état d’âme se doit de l’être, les rendant de moins en moins humain et les chosifiant un peu plus à chaque année qui passe. Et plus il l’entendant s’excuser, plus son cœur dans sa poitrine se serre ; plus son physique se ferme lui aussi. Il se raidit, pour ne pas exploser et lui dire ce qu’il a sur le cœur, contre le monde entier. Au lieu de quoi, il observe un instant le couloir par la porte entrouverte. Il hait les serviteurs et leurs oreilles trainantes, même si son valet est l’homme en qui il a le plus confiance. Mais ils sont si rares, les gens de confiance.

Alors qu’il repose ses prunelles azur sur la princesse de France, il ne peut laisser s’échapper quelques paroles – en allemand, pour qu'il ne soit pas compris par les oreilles trainantes -. « Vous n’avez pas à vous excuser de votre comportement auprès de moi, votre Altesse. Pas tandis que votre cœur pleure une mère… » Il l’observe à nouveau méthodiquement lissé sa robe, pour reprendre son contrôle sur ses émotions. Il soupire ainsi franchement, avant de lui tendre à nouveau son bras. « Quand vous serez prête, votre Altesse. » Il lui laissait le loisir de décidé du temps, dont elle avait besoin pour parfaire son apparence et celle de la liesse qu’elle était censé éprouvé en ce jour, tout comme lui. « Personne ne saura rien de ce qui vient de se produire. »


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L'AUBE DU SOIR



Elle avait la sensation d'être échouée sur une plage un jour de tempête. Les vagues tombaient sur elle en rafales et chaque fois qu'elle tentait de se redresser, une nouvelle la percutait à nouveau pour la repousser au sol. Elle avait peur de se noyer et pourtant au coeur de ces tumultes, Angélique s'évertuait à garder la tête hors de l'eau. Elle avalait quelques tasses mais elle se faisait violence pour tenir le rang qui était le sien.
A présent qu'elle n'était plus à table, les remous de l'orage la secouaient moins mais elle demeurait quelque peu fébrile, ce dont quoi elle s'en voulait car le Prince n'était certainement pas là pour assister à un tel spectacle. La Princesse de France lui présenta donc ses excuses et ses regrets les plus sincères alors que dans sa tête autant que dans son cœur en proie, elle se préparait à retourner auprès des convives de son père.
Si elle avait appartenu à une toute autre Maison, Angélique aurait pu s'excuser et prendre congé afin d'aller s'étendre et s'épargner ainsi cette mondanité bien trop prématurée face à son deuil encore trop frais. Mais elle n'appartenait pas à une autre famille. Elle était une D'Orléans et une Bourbon. Elle portait les deux nomes les plus illustres de France et son père ne souffrirait pas un tel comportement de sa part. Elle devait être présente et faire sa Saison. Elle avait déjà manqué l'ouverture de cette dernière, elle se devait de rattraper ce "retard" et de le faire avec toute l'élégance et la perfection que incombait son rang.
Et qu'exigeait Antoine...

Angélique osa relever son regard vers Wilhelm et blêmit en le voyant se raidir autant que se fermer. Elle baissa à nouveau immédiatement ses paupières et captura la soie de sa robe entre ses doigts qu'elle tordit nerveusement.
Elle avait fait un faux pas. Elle avait craqué devant lui et cela devait lui déplaire fortement... En tant que prince, prince de Prusse qui plus est qui n'était pas réputée pour être la Cour la plus tendre et expressive du continent, il devait être habitué à bien plus de maîtrise... Elle était désolée de l'avoir rendu témoin de sa détresse. Elle tourna avec anxiété son visage vers la porte entrouverte depuis laquelle sa femme de chambre devait la surveiller et pria pour qu'elle n'ait point tout vu et rapporte cela à son père qui serait à n'en pas douter furieux qu'elle se soit oubliée face à Wilhelm. Le Prince risquerait-il la mention cela dit ? Elle osait espérer que non... Son éducation lui interdirait sans doute de s'adonner à ce genre de commérage mais le mal était déjà fait. Et si il s'en confiait à son père et que ce dernier en touchait mot au sien ?
Angélique déglutit et se força au calme mais son cœur cognait fort dans sa poitrine et lui donnait quelques rougeurs aux joues. Elle lissa à nouveau sa robe d'avantage par réflexe que réelle nécessité, lorsque finalement le Prince s'adressa à elle dans sa langue natale.

Angélique lui fit face à nouveau, surprise par ses mots autant que par son ton. Malgré la rudesse de la langue dans sa bouche, il était teinté d'une certaine compassion qui la toucha autant qu'elle la troubla. Il lui paraissait si rigide ! Si dur et si froid ! Presque comme du marbre à la beauté certaine. Et pourtant il la comprenait. La princesse eut toutes les peines du monde à retenir les larmes que ses paroles firent remonter à ses yeux et essuya celle qui s'échappa pour rouler sur sa joue poudrée. Elle la cueillit de son gant de satin puis observa se bras qu'il lui tendit à nouveau avant de l'inviter à le suivre lorsqu'elle serait prête.
Cette attention aussi simple pouvait-elle paraître décontenança la jeune femme qui devait toujours se plier au planning prévu pour elle et qui n'avait jamais le loisir de décider de ses propres occupations. Antoine était au control de tout. Les moments de libre arbitres étaient rares pour Angélique et particulièrement lors des événements officiels comme ce soir.

La jeune femme inspira profondément et après un regard au miroir qui surplombait la cheminée afin de s'assurer que personne ne remarquerait qu'elle avait pleuré, elle glissa son bras à celui du Prince. Une curieuse sensation la saisit se faisant. Un instant, elle se raccrocha à lui plus qu'elle n'y posa réellement sa main comme la bienséance l'aurait voulu. Il était tel la bouée lui permettant de flotter en pleine mer sous ce déluge.

- Merci...

Pas de titre. Pas d'avantage d'épanchement. Elle prononça ce mot dans un souffle de soulagement et de reconnaissance réelle et elle s'adressait à l'homme. Non au prince. Angélique le suivit à travers les salons et afficha toute sa dignité et son altesse lorsqu'elle passa devant sa domestique qui s'écarta face au couple royal.
Elle crispa légèrement ses doigts sur le bras de Wilhelm avant que les valets ne leur ouvre à nouveau les portes et marqua un arrêt mais il ne dura qu'un instant. Elle avait beau vouloir être n'importe où ailleurs plutôt qu'à ce dîner, elle n'oubliait pas qui elle était et elle refusait de ne pas faire honneur à cela.

- Votre Altesse. Je suis sincèrement heureuse qu'on vous ayez accepté d'être mon voisin de table ce soir...

Elle aimait à croire que William l'aurait secouru également mais pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, elle n'était pas certaine qu'il l'aurait fait avec autant d'aplomb que le Prince qui avait carrément osé les faire sortir de table. Le futur Duc aurait probablement eu un geste de réconfort discret à son égard, mais il n'aurait pas osé offenser une tête royale en les faisant prendre congé, même brièvement.

Sur ses paroles, les portes se rouvrirent sur l'immense tablée et Angélique retrouva son rôle de jolie poupée.


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